PAC 2023 : qu'est ce qui nous attend ?
Publié le 20.11.2020
2020 était la dernière année budgétaire de la réforme actuelle de la PAC. Les échanges à l’échelle européenne sur le futur projet vont bon train mais ne seront probablement pas applicables avant 2023. Nous allons ainsi rentrer dans les deux années à venir dans un régime de transition sur le principe « vieille règle, argent neuf », avec l’application des mesures actuelles mais financées par le budget de la future PAC. Que savons-nous sur le nouveau projet de la PAC ? Quels changements nous attendent ?
UN BUDGET PRÉSERVÉ
En juillet dernier, après de nombreuses tergiversations, un accord est conclu pour le budget de la PAC à l’échelle européenne pour la période 2021-2027 à hauteur de 336 milliards d’euros, dont 76 % consacré au 1 er pilier et 23 % au développement rural. Le budget reste ainsi assez proche de celui de la dernière réforme (même si en € constants cela devrait représenter une baisse de 10 %), ainsi à l’échelle de la France l’enveloppe attribuée bouge peu :
LE CALENDRIER
Trois acteurs interviennent dans le processus décisionnel européen :
> La commission européenne (composée de 27 commissaires issus des états membres) : son rôle est de faire des propositions législatives. Elle a élaboré sa feuille de route sur la future PAC en juin 2018.
> Ces propositions sont ensuite relues et amendées par le Parlement européen (705 députés européens) d’une part et par le Conseil de l’Union Européenne (27 Ministres de l’agriculture) de l’autre. Dans la semaine du 20 au 23 octobre 2020, ces deux instances ont publié leurs propositions concernant l’avenir de la PAC, avec pour anecdote, plus de 3 000 amendements à la proposition de la Commission !
Nous rentrons maintenant dans une phase de conciliation appelée « trilogue » qui consiste à mettre d’accord l’ensemble des parties pour adopter le texte définitif qui clarifiera les contours de la PAC 2023-2030. Les régles pourraient être connues lors du premier semestre 2021.
UN CHANGEMENT DE PHILOSOPHIE : « PLUS DE POUVOIR AUX ETATS ! »
Afin de mieux tenir compte de la pluralité des modèles agricoles et des territoires, les états auront plus de liberté et de pouvoir sur leur manière d’octroyer les aides sur les deux piliers de la PAC. L’Union européenne fixe quant à elle les grandes orientations et les principes.
Ainsi chaque pays doit élaborer un Plan Stratégique National (PSN), dont la conformité sera validée à l’échelle de Bruxelles.
L’élaboration du PSN en France a débuté en 2019 avec une phase de diagnostic de la PAC actuelle au sein de chaque région et des propositions d’orientations stratégiques, issues de la concertation des acteurs du monde rural. A l’échelle nationale, un débat public est également organisé pour recueillir les attentes des citoyens (Im’Pactons). Les travaux devraient s’achever en 2021.
Le PSN devra s’inscrire autour des 9 objectifs de la PAC (cf ci-dessous) et respecter le cadre budgétaire :
> Allouer 40 % des fonds à la lutte contre le climat
> Consacrer de 1 à 100 % des aides directes (1er pilier) aux « éco-systèmes »
> 3% des aides du 1er pilier peuvent être destinés à soutenir les secteurs en difficulté
> 2% des aides pour les JA, avec une nouveauté : les Etats membres auraient la possibilité de mettre en place des mesures soutenant le fond de roulement des JA
> 15 % de l’enveloppe du 1er pilier pourront être transférés au 2ème pilier
La cogestion des aides Etat/régions devraient se poursuivre avec la gestion des aides du 1er pilier et des aides surfaciques du 2nd pilier par l’Etat et les aides non surfaciques (y compris DJA et investissements) par les régions.
Les 9 objectifs de la PAC
3 objectifs économiques :
- Assurer un revenu équitable
- Rééquilibrer les pouvoirs dans la chaine de valeur
- Accroitre la compétitivité 3 objectifs sociaux :
- Soutenir le renouvellement des générations
- Garantir la qualité des denrées alimentaires en réponse aux attentes sociétales
- Dynamiser le développement rural
3 objectifs environnementaux :
- Agir contre le changement climatique
- Protéger les ressources naturelles
- Préserver les paysages et la biodiversité
CE QUI SE DESSINE POUR LE 1ER PILIER
Une conditionnalité renforcée
Les mesures SIE seraient remplacées par un pourcentage minimum d’éléments ou de surfaces non productives. Les mesures de diversités de l’assolement seraient remplacées par des mesures de rotations des cultures. De nouvelles BCAE devraient apparaitre sur les zones humides et les tourbières.
Les éco-régimes ou éco-programmes : rémunérer les services environnementaux ou les démarches en faveur du climat
Les paiements verts devraient disparaitre du 1er pilier pour être remplacés par des éco-régimes. Il s’agit là de rémunérer des actions en matière d’environnement et de climat. Pour le Parlement, 30 % des paiements directs devront y être consacrés, le conseil des ministres place la borne à 20 %.
Les réflexions à l’échelle du territoire :
- Mise en place d’une nouvelle aide découplée
- Démarche supérieure à la conditionnalité de base
- Démarche volontaire des agriculteurs
- Cette aide serait distribuée selon une liste de pratique : HVE, Bio, Réduction carbone …
Plafonnement des aides
La commission et le Parlement proposent une réduction progressive des paiements directs annuels aux agriculteurs au-dessus de 60 000 euros et un plafonnement à 100 000 euros.
Une structure d’aides assez stable
Dans l’ensemble la coexistence d’aides découplées et couplées devrait perdurer. Les modalités d’attribution restent à ce jour à définir. La convergence interne devrait se poursuivre jusqu’à la mise en place d’un montant à l’hectare uniforme (lequel ?). 15 % de l’enveloppe pourrait être consacré aux aides couplées avec un soutien sectoriel possible, un effort particulier sera mené sur les cultures protéiques. La transparence GAEC n’est pas inquiétée.
CE QUI SE DESSINE POUR LE 2ÈME PILIER
Les domaines d’intervention du 2ème pilier devraient rester assez proches d’aujourd’hui à savoir le financement des : MAEC, ICHN, Natura 2000, PCAE, JA, FMSE, Coopération, et fonds LEADER.
Le budget pour le 2ème pilier sera plus serré avec une contribution au financement plus forte de la part des Etats membres : baisse des taux de cofinancement et augmentation des transferts possibles entre P1 et P2 ( de 15 à 30 %, non défini aujourd’hui).
Green New Deal (ou Pacte Vert ) est le nom du programme européen pour lutter contre le changement climatique.
Son objectif est de rendre l’économie au sein de l’UE plus durable, 1000 milliards d’euros en 10 ans pourrait être mobilisé pour financer ces actions.
Cette feuille de route est déclinée sous deux axes : « Farm to Fork », de la ferme à la table et « Biodiversité 2030 ».
40 % du budget de la PAC devront être consacrés à ces actions.
Le PSN devra intégrer les grandes orientations du Green New Deal et les états ont une obligation de résultat sur les sujets suivants :
- Réduction de 50 % : des pesticides chimiques, des pertes de nutriments du sol, des ventes d’antibiotiques.
- Atteindre 25 % des terres en agriculture biologique
- Réviser la législation en matière de bien-être animal y compris pendant le transport et l’abattage
- Etendre les zones protégées Natura 2000 et la part des surfaces agricoles à haute diversité biologique.
Les aides du deuxième pilier devraient soutenir ces orientations.
LES QUESTIONS ENCORE NOMBREUSES
Les modalités concrètes du régime de transition ne sont pas encore connues … La répartition budgétaire entre chaque type d’aides est encore floue.
Quel sera le budget accordé aux éco-régimes ? Quelles en seront les exigences ? Comment les éco-régimes vont-ils s’articuler avec les aides MAEC du 2ème pilier ?
Une autre ambition transpire aujourd’hui dans les débats : « la simplification administrative », à travers des contrôles simplifiés pour les petites structures et la reconnaissance du droit à l’erreur … mais qu’en sera-t-il vraiment ?
LES SUJETS DE CONTROVERSES
Si l’ambition écologique de la PAC ne fait aucun doute, la question du budget à y consacrer est loin d’être tranchée et l’équilibre de la répartition des aides entre environnement et revenu reste à trouver. Par ailleurs certaines organisations souhaiteraient que les éco-régimes soit obligatoires.
Pour certains partis politiques, cette PAC marque une renationalisation des aides qui pourrait être source de distorsion de concurrence au sein même des pays de l’UE en créant des contextes réglementaires différents sur les règles sanitaires à tenir, les exigences de développement durable par exemple.
D’autres regrettent que le sujet des aides versées aux actifs et non aux hectares disparaissent du débat …